Campagne d’été 2024 à la Maison Sublime (Rouen)

Depuis 2023, Manon Banoun, doctorante de l’équipe GAMMA, a repris l’étude de bâti de la « Maison Sublime » de Rouen, une opération réalisée avec le Centre d’Étude du Patrimoine Architectural de l’Ouest (CEPAO) et soutenue par l’équipe GAMMA d’ArScAn.

La « Maison Sublime » est un bâtiment roman présentant une dizaine de graffitis hébraïques. Découvert fortuitement au 36 rue aux Juifs sous la cour du Palais de Justice de Rouen en 1976, l’édifice ne conserve que sa salle basse (13,90 x 9,26 m hors œuvre) et une partie du deuxième niveau. Les élévations sont préservées sur environ 2 m de hauteur. Si la salle ne présente aucun décor intérieur, les murs extérieurs nord, ouest et sud sont divisés en quatre travées par des supports constitués d’un pilastre encadré par des colonnettes aux bases sculptées reposant sur un bandeau chanfreiné saillant. Le mur nord accueille quatre baies à double ébrasement, tandis que le mur sud est doté d’un portail surmonté d’un arc en plein cintre retombant sur des colonnettes aux bases et aux chapiteaux ouvragés. On y accède grâce à un escalier parallèle au mur sud aboutissant à un petit vestibule voûté. La datation de la construction initiale repose sur une analyse stylistique des décors sculptés réalisée par Maylis Baylé en 1980, qui avait proposé une datation v. 1110. Celle-ci est en cour de renouvellement par Anastasiya Shmauhanets depuis 2023, qui propose une datation plus large de 1060-1130.

Depuis sa découverte, ce monument a été à la fois présenté comme une synagogue, une école rabbinique (yeshivah) ou un édifice civil utilisé par la communauté juive de Rouen au Moyen Âge, le débat concernant sa nature et ses différents usages n’étant toujours pas clos aujourd’hui. La reprise de l’étude de bâti souhaite, d’une part, proposer un phasage précis de l’édifice et, d’autre part, apporter des éléments de réponse quant à sa finalité et ses usages au cours des différentes périodes d’utilisation observées jusqu’à son arasement.

Les deux premières campagne (juillet 2023 et août 2024) ont été dédiées à la réalisation d’un enregistrement numérique complet du bâtiment (modèle photogrammétrique géoréférencé, orthophotographies des parements, modèles 3D et RTI des inscriptions lapidaires). En plus de servir de documents de travail, ces enregistrements permettent d’assurer la pérennité numérique de l’édifice, qui souffre actuellement de mauvaises conditions de conservations. Les graffiti sont particulièrement atteints par ce problème, car ils sont progressivement effacés du fait d’un haut taux d’humidité. L’étude stratigraphique des élévations s’est achevée en 2024, avec l’enregistrement des différentes phases de construction observables, la mesure de la hauteur des blocs et des joints et l’enregistrement et l’analyse des traces de taille.

La poursuite de l’étude sera consacrée à la réalisation de prélèvements de mortiers (analyses de composition) et de charbon (datation ¹⁴C) afin de bien caler la chronologie relative du bâtiment. Un sondage sera également entrepris dans la salle basse afin de mieux comprendre les différentes phases de réaménagement de la porte sud et du vestibule, un élément clé pour la compréhension de l’édifice.

Manon Banoun