Thèse de Mathieu Demey sur les “Systèmes d’approvisionnement en métal des armées romaines de l’Hispanie et de la Gaule de la fin de la République aux Flaviens (fin du IIIe s. av. J.-C. au Ier s. ap. J.-C)”

Doctorant au sein de l’équipe Gamma depuis 2023 et sous la direction de Ricardo Gonzalez Villaescusa et Gaspard Pagès, Mathieu Demey travaille sur la logistique militaire de Rome durant la période tardo-républicaine.

Initié en 2023, ce travail part d’un constat : contrairement aux connaissances relativement complètes sur le ravitaillement en vivres, notre compréhension de l’approvisionnement en métal – et par extension en armes – reste lacunaire. Si les processus de production et de réparation des armes de la fin de l’époque impériale sont bien documentés, ceux de la période républicaine demeurent encore peu connus. Pourtant, la fin de la République est marquée par une série de conflits et de transformations militaires, offrant un contexte idéal pour étudier les mécanismes de la logistique militaire.

Les guerres contre les Carthaginois à la fin du III^e s. av. J.-C. ouvrent la voie à l’expansion romaine vers la péninsule Ibérique. Plus tard, au milieu du IIe siècle av. J.-C., la destruction de Carthage marque le début d’une phase d’impérialisme plus agressif pour Rome, qui nourrit alors des ambitions d’expansion vers d’autres territoires, notamment la Gaule. Deux changements vont s’opérer durant les deux derniers siècles avant notre ère. D’une part, les conflits en péninsule ibériques vont mettre en lumière les faiblesses de la stratégie romaine, entrainant une professionnalisation progressive de l’armée romaine à partir du II^e s. av. J.-C. : la panoplie s’harmonise, le manipule laisse place à la cohorte, et l’armée devient progressivement plus ouverte et professionnelle. Cela laisse supposer que l’équipement des soldats répond de plus en plus à des commandes standardisées impliquant en partie une production étatique. D’autre part, dès le II^e s. av. J.-C., l’usage du fer se généralise dans les sociétés méditerranéennes, particulièrement dans le sud de la Gaule, qui connait une intensification de la production à cette période, probablement en corrélation avec l’expansion romaine.

Ces changements ont vraisemblablement intensifié les besoins en métal auxquels Rome a dû faire face. Cela soulève alors des questions sur les stratégies adoptées par Rome pour satisfaire les besoins grandissants de son armée, engagée dans des campagnes sur des territoires encore non conquis. À travers des exemples d’implantations militaires en Gaule Narbonnaise et au nord-est de l’Hispanie – deux régions stratégiques pour l’expansion romaine en raison de leur position à un carrefour économique et de la richesse de leurs sols – l’objectif de cette recherche est de préciser l’organisation de l’industrie métallifère et les stratégies d’approvisionnement, en abordant cette question par le prisme de l’armée et des militaria tardo-républicaine. Bien que cette recherche soit axée sur le domaine militaire, les dimensions socio-économiques ne seront pas négligées. Mon approche pluridisciplinaire intègre l’archéologie, l’analyse spatiale, les sources historiques et épigraphiques, ainsi que l’archéométrie. Une attention particulière est portée aux relations géographiques entre les sites étudiés, les routes, les zones de production et les infrastructures logistiques romaines. Les territoires et exemples choisis permettront de distinguer ou de nuancer les stratégies d’approvisionnement en fonction des périodes et des régions. Mon analyse inclut également divers aspects de l’organisation de cette industrie : les méthodes d’acquisition, les relations entre Romains et locaux, la gestion administrative, les acteurs impliqués, ainsi que les composantes logistiques. Ma boîte à outils comprend également la création d’un modèle théorique estimant la quantité de métal nécessaire pour répondre aux besoins d’une armée, que ce soit pour s’équiper, construire des camps ou assurer leur entretien. Cette évaluation vise à cerner l’ampleur de la production et des ressources mobilisées, incluant les minerais, le bois, la main-d’œuvre et le temps de travail requis. Quant au volet archéométrique de ce travail, cela implique principalement des analyses de provenance appliquées à des ensembles d’objets métalliques issus d’un même contexte. Le but est de déterminer si ces artefacts présentent une signature chimique similaire ou non, ce qui pourrait orienter notre compréhension de leurs modes d’acquisition et confirmer ou infirmer certaines hypothèses sur les chaînes d’approvisionnement potentielles du métal.

Mathieu Demey